Le Cycle J (2011)
Dernière mise à jour : 07-08-14
Le cycle s'ouvre sur un tome tragique et bouleversant situé dans un futur plus ou moins lointain :
Jérémie
Les Fils de l'Âge Imparfait
Jeremy and Elle have nothing in common. He is blond. He is perfect. He belongs to the new generation. She is human. Red head. Rebellious. She belongs to the old world. Together, they will cross the wall that separates them from their past. He will give her the love she deserves. She will give him what he hasn't got : humanity. There will be consequences. For the new world has no memory. Except when Number Four is at stake. Who is Jeremy ?
Synopsis
Chapitre 1 : Les Élèves du Nouveau Monde
Nous sommes sur le Continent A, en l’année 44 après l’Avènement. Le Continent A est divisé en 65 régions. Chaque région compte une vingtaine de Cités désignés par une lettre de l’alphabet entre A et T, et chaque Cité possède son Institut propre. Ceux-ci sont numérotés de 1 à 44 en fonction de leur cotte. L’héroïne, que nous connaîtrons à travers l’histoire sous le nom impersonnel d’ELLE, entre dans ses nouvelles fonctions de Professeur à l’Institut C44 :
« Mon cartable à la main, les mâchoires tendues, je laissai retomber le heurtoir de la grande porte. »
On comprend bientôt que les Reconvertis, dont elle fait partie (mais nous ignorons encore à ce point de l’histoire de quoi il s’agit exactement) ont du mal à trouver du travail, parce que leurs C.V. passent après ceux des Sujets du Continent A.
« En recevant la Lettre de la Directrice, j’avais éprouvé un sentiment d’appréhension mêlé de satisfaction intense. Si au bout d’un an, je satisfaisais le Siège, on m’obtiendrait un visa perpétuel de Sujet du Continent A, et on m’offrirait une séance à la Matrice pour vérification et révision générale de ma puce. Dans un an peut-être, j’appartiendrais à l’Âge Abouti. L’Âge Parfait. »
Une secrétaire (ou plutôt une ombre) étrange, mystérieuse, lui fait rapidement visiter les lieux (monumentaux, à mi-chemin entre un hôpital, avec ses couloirs et ses chambres peintes à la chaux, et un musée antique, avec ses colonnades, ses pavements de marbre,ses règlements inscrits au plafond du hall dans une langue antique inconnue ; les murs sont transparents le jour, opaques entre 18H et 6H du matin), puis la conduit auprès de la directrice, une femme glaciale, tenace et féministe.
Celle-ci lui confie les cours de neurotransmission« additionnelle » de l’Institut. Les disciplines concernées sont l’histoire et la géographie du Nouveau Monde, ainsi que la philosophie et la morale du Bon Citoyen, regroupées sous le nom de NAS. Ces cours optionnels sont dispensés uniquement aux sujets se vouant à une carrière politique. En effet, chaque Institut du Continent A propose uniformément quatre orientations, ici énumérées de la plus prestigieuse à la moins respectée :
1 – Le droit politique (DEP) réservée à la future élite dirigeante du Siège ou aux futurs membres des Tribunaux, de la Police gouvernementale et des Ministères de la Paix et de la Défense.
2 – Les sciences appliquées (SAP) au domaine de la médecine, de la perpétuation (Matrice), et de la protection écologique (Musée) : c’est la branche du citoyen B ou C.
3 – Les mathématiques et l’économie, (MEC) réservées aux citoyens D.
4 – La construction environnementale (CON) comprenant aussi bien la Culture (information, enseignement, programmes télévisés, publicités, production synthétique des sons et lumière : lumière bleue (jour) / lumière rouge (nuit) et l’Urbanisme (bâtiments, ponts et chaussées) que les travaux de Techniciens (logiciels) : c’est la main d’œuvre
constituée par les citoyens E.
Le corps professoral fait partie des SaDep (Salariés en Déplacement) et ceux-ci sont moins souvent au chômage que les SaDem (Salariés Demeurants, i. e. qui travaillent chez eux) car le système de Liaison TV (Transport Virtuel) est plus souvent touché par les embouteillages que le RIC (Réseau Inter-Cités).
C’est à travers le discours de la Directrice de l’Institut que nous apprenons toutes ses informations. Nous comprenons notamment pourquoi l’Institut est coté 44 : il côtoie le Mur de Plomb, celui qui sépare le Nouveau Monde des quartiers toujours partiellement habités de l’Ancien Monde, quartiers jugés mal famés, dangereux et menaçants malgré le Traité de Paix établi à l’Avènement. Dans la Cité 44, malheureusement, plusieurs sujets se sont révélés défaillants dans le passé, et ont dû être renvoyés à la Matrice. La Directrice compte sur son nouveau corps professoral pour redresser le niveau et faire remonter l’Institut dans les bonnes grâces de l’État. Elle explique notamment à Elle qu’aux devoirs, si un élève a un quota de fautes supérieur à 3%, il doit être « retiré ».
Après cette mise en contexte qui tente de nous planter le décor à travers les nouvelles règles du Continent A ainsi que l’environnent visuel et intellectuel de l’Institut C44, nous pénétrons plus à fond dans la personnalité encore mystérieuse de notre héroïne et dans son histoire personnelle…
Chapitre 2 : Les Lambeaux de l’Ancien Monde
L’héroïne se retrouve à déjeuner seule dans une cour glauque où la réflexion personnelle semble être le seul échappatoire possible à cette solitude morbide. C’est aussi un moyen habile de revenir sur quelques événements passés qui nous permettrons de mieux comprendre la situation présente et ses enjeux pour les dénouements à venir :
« Ma mère m’a emmenée à la Matrice il y a une dizaine d’années. Je ne l’ai jamais revue depuis. Papa avait été emmené lors de la rafle de Lifting. J’étais petite, je ne comprenais pas, mais maintenant je comprends qu’il s’est passé quelque chose qui n’aurait pas dû se passer : J’AI GARDÉ MA MÉMOIRE. En m’insérant la puce, le formatage a été incomplet. Je me rappelle de choses, d’hier... »
Elle dira également :
« Oui, j’étais une Reconvertie. C’est-à-dire que j’étais née avant l’Avènement. Il fut un temps où j’appartenais à l’Ancien Monde. Et puis j’étais passée par la Matrice. On m’avait changé ma mémoire et inséré une puce. Mais des bribes de choses étranges me revenaient, des ombres encore impalpables... Je n’en parlais à personne, parce que je ne voulais pas les perdre. Si j’en parlais, c’en était fait de moi. Car oui, les sujets à défauts repassaient par la Matrice, et revenir à la Matrice, c’était pour « n’avoir jamais existé », être rayé des mémoires. Le Siège n’avait pas de mémoire. On sortait de la matrice à 13 ans, et on y revenait nécessairement à 33 ans. Tout cela ne posait aucun problème, car on n’avait plus besoin d’un homme et d’une femme pour exister. On venait de la Matrice, dès que l’État, une usine, ou quelqu’un, désirait un Sujet en plus… Selon la tâche qu’on remplirait dans ce monde, on recevait un numéro et une apparence... »
Ainsi, l’élite destinée à remplir les plus hautes fonctions est regroupée sous le terme de catégorie A : les ‘A’ sont d’un blond nordique presque blanc, avec des yeux bleu clair, très minces, et de petite taille. Quand on est un intellectuel, dira l'héroïne, on n’a pas besoin de prendre beaucoup de place. Les ‘D’ en revanche, et tous ceux adonnés aux travaux techniques, sont grands, forts et souvent laids. La catégorie ‘E’ est constituée de bruns aux yeux sombres, la plupart sans cervelle. On a juste besoin de leurs bras, de leur force.
« Dans un même métier, tout le monde se ressemblait. On ne pouvait pas mentir : on ressemblait à ce qu’on était. Moi, c’était différent, parce que je n’étais pas un Nouveau-né, je venais de l’Ancien Monde. Mais bientôt viendrais le moment où il n’y aurait plus que le Nouveau Monde, et plus de différences... »
La Matrice est alors en train d’élaborer un moyen efficace pour changer l’ADN des Sujets de l’Ancien Monde qui veulent faire la Transition.
« Jusqu’ici, les succès n’étaient pas parfaits, et aboutissaient à des métissages indésirables. Cette opération s’appelait le Remodelage. C’était comme une Renaissance… »
Chapitre 3 : Numéro 4
Elle donne son premier cours dans une classe spacieuse. Ici, tout est parfait : les élèves travaillent sur des tablettes tactiles tous reliées à son ordinateur central, d’où elle peut superviser leurs progrès. Chaque ordinateur d’élève est symbolisé sur le sien par un petit boîtier. Par exemple, dans le cas d’un questionnaire à remplir, elle sait immédiatement si l’élève a répondu ou non. Les uniformes sont particulièrement agréables à porter. Ils changent de couleur selon l’humeur, la saison et l’heure de la journée ; de même, les mailles s’ouvrent ou se resserrent au gré des températures extérieures. Toutes les activités proposées par l’Institut sont virtuelles : qu’elles soient sportives ou artistiques, l’élève met un casque et est projeté dans un univers virtuel où il peut se promener, s’exercer sans effort, dessiner et effacer à volonté.
Mais peu à peu le regard d’Elle sur ce nouveau monde s’interroge et s’effraie. Les élèves ne s’adressent jamais la parole entre eux, et ne lui parlent pas non plus : ils s'adressent uniquement à leur ordinateur. Le Nouveau Monde est dénué de toute initiative, de toute gentillesse, de tout contact. Elle ne voit en eux qu’un alliage végétal – ou plutôt végétatif, animal – à la fois bestial et bovin – et minéral – à la croisée du vampirisme et du robot hyper sophistiqué –, mais aucune once d’humanité.
Chaque élève a un nom de code et une puce sous la peau de la main droite : celle-ci surveille les entrées et sorties de chacun. Elle sert également de « réveil » et d’horloge interne. Elle rappelle les horaires des cours, les heures de travail, des repas, des récréations sportives et sexuelles. Ainsi c’est la Puce qui a besoin d’être nettoyée, renouvelée et remise en état régulièrement : pendant ses heures de sommeil, le Sujet est libéré de la Puce, ce qui le rend potentiellement dangereux. Pour l’empêcher de quitter sa chambre, on lui propose alors une nouvelle gamme de puces : celles-ci lui font faire de nouvelles activités, mais peuvent aussi s’ingérer sous forme de capsules de drogue, de rêves, ou de sensations diverses immobilisant ainsi le sujet dans sa chambre.
C’est au cours de ce premier cours qu’Elle remarque Numéro 4. Il est assis à côté d’une chaise vide, signe de son caractère d’exception. De part et d’autre de son bureau, l’allée le sépare du reste de ses camarades. C’est cela qui retient son attention. Il est très beau : avec la peau claire, des yeux beige pâle inexpressifs sous de longs cils, des cheveux couleur de bronze mêlés de mèches très blondes. De taille moyenne. Une voix douce et grave, avec une élocution légèrement hésitante...
Chapitre 4 : Le Jardin Interdit
Elle a obtenu une chambre sur place au C44 mais s’en échappe pendant la nuit. Elle se perd dans les couloirs de l’Institut et, au détour d’une porte mal fermée, pénètre à son plus grand émerveillement dans un jardin paradisiaque où trône en son centre une fontaine étincelante couronnée de rosiers sauvages, et, derrière le vitrage glacial de l’Institut, un bout de Ciel. Le Ciel de l’Ancien Monde, loin, loin, au-delà du Mur de Plomb. Elle n’a jamais vu de Ciel. C’est que le Nouveau Monde est entièrement construit sous voûte. A cette vue, une pensée la saisit, une pensée folle,
incontrôlable :
« Qu’y a-t-il derrière le Mur ? Fuir. Vivre. Vivre maintenant, ou n’avoir jamais existé… »
C’est dans le Jardin Interdit qu’à sa plus grande surprise, Elle retrouve Numéro 4. Ils se retrouvent seuls, face à face, pour la première fois. Après un premier moment de surprise et de peur, Numéro 4 est le premier à rompre le silence. Il lui explique que depuis quelques temps, il revient, toutes les nuits, dans cet endroit merveilleux. Ils partagent leur désir et leur curiosité de découvrir l’inconnu. Cette quête de l’inconnu, cette soif d’éternité est sous-jacente durant toute l’histoire. Elle et Numéro 4 ne se satisfont pas de ce qu’on leur impose. De façon symbolique, le Mur exprime aussi le voile qui sépare Elle de son passé, de tousses souvenirs inconscients enfouis dans sa mémoire, et qui vont lui revenir peu à peu…
Chapitre 5 : Emprise
Elle et Numéro 4 se retrouvent régulièrement dans le jardin. Mais un soir, il semble avoir perdu la mémoire et ne la reconnait pas tout de suite. Dans un mouvement de passion, il arrache sa puce et s’enfuit avec elle de l’autre côté du Mur. Peu habitués à ce genre d’escapade (ordinairement les gens tentent d’entrer dans le Nouveau Monde, non d’en sortir), les vigiles chargés de la surveillance taisent leur fuite de surprise et par peur de remontrances...
Chapitre 6 : La Maison de la Joie
Les deux héros se retrouvent dans une rue déserte de l’Ancien Monde. Peu habitués à la lumière naturelle et effrayés par le vide, ils se réfugient d’abord dans une église abandonnée, puis dans une auberge de route. Les prenant pour un jeune couple en fuite, la tenancière les reçoit avec bonté et leur loue une chambre pour la nuit.
Chapitre 7 : Souffrance
Le lendemain, Elle et Numéro 4 découvrent le revers de la médaille de ce merveilleux monde :
(1) Ils rencontrent un couple en fuite, et leur bébé d’un an. Elle et Numéro 4 ne savent pas ce que c’est qu’un bébé ni comment un enfant naît naturellement. Ils le trouvent laid et rabougri.
(2) Pour eux qui sont propres et ont au Nouveau Monde un travail assuré et de l’argent en plénitude, le monde imparfait leur semble un enfer de laideur, de saleté et de pauvreté…
(3) Ils ne comprennent pas pourquoi les gens parlent tout le temps, eux qui sont habitués à ne jamais se parler, mais ont en revanche les oreilles remplies d’un fond sonore continuel. Le silence et le vide leur font peur et les remplit de malaise.
Le soir venu, la vérité éclate lors du dîner : habitué à ingérer un substrat d’oligo-éléments, de protéines et de glucides en gélules, Numéro 4 se sent mal et se met à vomir. L’un des hôtes, qui est médecin, se rend tout de suite compte à qui il a affaire :
« C’est un de leurs monstres ! » s’écrie-t-il.
Tout le monde recule avec effroi, et les jeunes gens sont jetés dehors. Une dispute éclate alors entre Elle et Numéro 4. Elle pleure pour la première fois, et comme ils ne savent pas ce que c’est que les larmes, Numéro 4 lui dit qu’elle a un problème, qu’elle n’est pas « normale ».
Chapitre 8 : Maladie
S‘ensuit alors une traque épuisante, au cours de laquelle Numéro 4, peu habitué à l’atmosphère de L’Ancien Monde et aux microbes qui y circulent, tombe gravement malade…
Chapitre 9 : Mort
Un couple de personnes âgées, qui ont compris qui ils étaient, les accueille et les cache un temps mais la Police du NOM (Nouvel Ordre Mondial) ou NOUS (Nouvel Ordre de l’Union Solidaire) trouve leur adresse à cause des ragots d’une voisine inconsciente et tue les malheureux. Elle et Numéro 4 découvrent alors ce que c’est que la Mort. Dans une scène troublante, Numéro 4 considère les marques de sang qui entachent ses doigts et laisse une empreinte sur le mur blanc de la Salle de Bain, où il vient de retrouver le cadavre de la vieille dame. Pourquoi ce lieu morbide pour une fin si terrible? A cause de l'image vertigineuse du sang qui coule par le siphon...
« Qu’est-ce qui fait que nous sommes différents ? » souffle-t-il.
Chapitre 10 : Leçons de Vie
Une troisième personne tombe alors sur leur chemin : Aryeh, un grand garçon au teint mat, avec des cheveux bruns et de grands yeux bruns presque noirs. Aryeh pense qu’Elle et Numéro 4 sont des Reconvertis qui regrettent d’être passé au Nouveau Monde et souhaitent revenir à leurs origines. Au début, il s’amuse, et, pris d’amitié, leur donne des leçons de vie. Ils « ré » apprennent ainsi à manger, dormir, converser, lire, etc…
Les scènes comiques se multiplient ; l’atmosphère se détend. On se perd dans la routine. Dans une scène particulièrement remarquable, Aryeh leur lit plusieurs passages des Lamentations de Jérémie, qui remplissent Numéro 4 d’une grande émotion.
« Notre héritage a passé à des étrangers, nos maisons à des Barbares. Nous sommes devenus comme des orphelins qui n’ont plus de père, et nos mères sont comme des veuves. Nous sommes traqués, le joug sur le cou : nous sommes épuisés ; plus de repos pour nous. Nos pères ont péché ; ils ne sont plus, et c’est nous qui portons le poids de leur crime. Ce sont des esclaves qui dominent sur nous, et personne pour nous soustraire à leurs mains. Il n’y a plus de vieillard, et les enfants sont morts sous le bois. La couronne est tombée de notre tête, c’est pourquoi notre cœur est devenu triste. Mais vous, Seigneur, vous demeurez éternellement : votre trône subsistera dans la suite de tous les siècles. Pourquoi nous oublieriez-vous pour jamais ? Pourquoi nous abandonneriez-vous pour toujours ? Renouvelez nos jours comme ils étaient au commencement, quoiqu’il semble que vous nous ayez rejetés pour jamais, et que votre colère soit sans bornes contre nous. »
Mais en parlant davantage avec Numéro 4, Aryeh comprend qu’il n’est pas un Reconverti contrairement à Elle, mais une Abomination –– mot utilisé par le Vieux Monde pour désigner les Nouveaux-Nés.
Chapitre 11 : Méfiance
Arrive l’hiver : Aryeh tombe réellement amoureux d’Elle, et Numéro 4 éprouve une jalousie croissante. Il s’étonne de la façon dont Aryeh touche Elle et la regarde, et essaie maladroitement de l’imiter, ce qui provoque des passages comiques puisqu’il le fait mal, en particulier l’imitation du « regard langoureux » : en réalité, il a ses façons propres de montrer son attachement, mais ce qu’il n’a pas encore compris, c’est la question de personnalité et d’individualité : dans le Continent A, les Sujets d’une certaine classe font exactement la même chose et se ressemblent physiquement, chaque type répondant à des besoins fonctionnels précis.
Cependant cette imitation maladroite ne passe pas inaperçue. Aryeh cherche dès lors à se débarrasser de Numéro 4. Il sait que les Nouveau-Nés de catégorie A ne peuvent pas être tués, ou difficilement. D’ailleurs la pitié et le mépris le retiennent. Mais il a compris comment le tuer autrement : briser le lien très fort qui l’unit à Elle, puis le repousser vers le Nouveau Monde, tandis qu’Elle restera avec lui et pourra être réinsérée dans l’Ancien Monde.
Dès lors, les accrochages se multiplient entre les deux jeunes hommes. Le chapitre voit se confronter avec violence les théories des deux Mondes. Numéro 4 défend les victoires de la Génération Aboutie :
« Nous sommes les Maîtres de la Vie et de la Mort, nous réécrivons les lois des gènes et de la nature. La Génération Aboutie a réussi à se libérer. Nous avons banni la souffrance, la maladie, la vieillesse, la mort, la concupiscence, le déchaînement des éléments naturels, l’inimitié des bêtes sauvages. Nous avons domestiqué la nature ; détruit l’erreur, l’imperfection et l’injustice en gommant la différence. Nous avons reconstruit le Paradis sur Terre. »
Aryeh n’a que faire de ces grands discours :
« Comment veux-tu mourir si tu n’as jamais vécu ? Comment veux-tu souffrir si tu ne sais pas ce que c’est que le bonheur ? Et comment veux-tu qu’il y ait du désir là où il n’y a plus d’hommes ni de femmes –– mais un seul genre, unisexe et stérile, éternellement jeune grâce à vos Médecins, supérieurement beau grâce à vos Designers, et dont les désirs sont tous assouvis par un pot-pourri de passe-passe virtuel ? Des « types », classés selon leur fonctionnalité comme les rouages d’une grande machine, et qui, lorsqu’ils sont rouillés, repartent à la Matrice pour n’avoir jamais existé ? Mais, mon vieux, nous ne sommes pas des pneus recyclables, et nous n’enfilons pas nos femmes comme des chaussettes à moins d’être un salaud ! (…) »
Numéro 4 regarde Elle, puis s’enfuit en courant. Aryeh est de plus en plus perplexe :
Pourquoi Numéro 4 a-t-il traversé le Mur ?
D'où lui venait cette curiosité ? Que pensait-il y trouvait qu'il n'ait déjà ?
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Chapitre 13 : Jalousie
Pour éloigner encore davantage les héros l’un de l’autre, Aryeh apprend à Elle ce qu’est l’amour. Comment c’est une porte vers quelque chose de plus grand. De mystique. Elle ne voit pas tout de suite l’intérêt de tout cela, mais
elle en rêve la nuit et y réfléchit intensément. Elle repense au jeune couple de l’auberge, et à la petite créature rabougrie qui semblait leur apporter tant de bonheur.
Mais Aryeh lui explique que Numéro 4 ne pourra jamais lui donner ce bonheur : ni la rendre enceinte, ni éprouver de l’attachement sous quel aspect que ce soit, puisque c’est un Sujet entièrement créé dans les locaux de la Matrice, c’est-à-dire asexué. C’est ainsi que le Siège gère la reproduction de l’espèce. Le Nouveau Monde a dissocié désir, tendresse, union charnelle et reproduction, afin d’éradiquer toute souffrance et tout risque de surpopulation :
« Ta génération, la génération Imparfaite, et la sienne, la Génération Aboutie, n’ont pas le même créateur. L’une vient de Dieu, l’autre, de l’homme lui-même. Il y a un fossé entre les deux, et ce fossé ne pourra jamais être comblé.
― Mais je n’appartiens plus vraiment à l’Ancienne Génération, Aryeh. Pour toi et pour les tiens, je resterai toujours marquée par ma Reconversion. Et Jérémie, lui, n’appartient plus vraiment au Nouveau Monde maintenant. Nous sommes de l’un et de l’autre sans véritablement appartenir à l’un ni à l’autre. Mais nous seront rejetés par les deux, au final.
― Justement, pour ne pas que cela se produise, tu dois choisir. Tu as un pied dans chaque barque, et les deux barques s’éloignent jour après jour. Il faut choisir, Elle. Et tu peux choisir. Lui, non. On leur a appris à ne pas penser, à ne pas réfléchir.
― Mais je veux qu’il reste avec moi.
― Tu dois le laisser partir, Elle. Il va dépérir, ici. C’était ton rêve de partir derrière le mur, pas le sien. Je m’occuperai de toi. »
Puis il l’embrasse. Mais Numéro 4, qui a assisté à la scène, arrive à ce moment, un couteau à la main ― il était à la cuisine en train d’éplucher des pommes de terre. Aryeh prend peur, car il pourrait être capable de tuer quelqu’un, ne sachant pas ce qu’un couteau peut faire :
« Arrête, c’est dangereux, un couteau. C’est aussi une arme, dans notre monde. Tu peux faire mal avec. »
Quelle n’est pas sa surprise d’entendre des lèvres de Numéro 4 :
« ― Je sais, je peux tuer avec. Je peux TE tuer.
Le cœur battant, paralysé par la surprise, Aryeh plongea son regard dans celui, impénétrable, de Numéro Quatre.
― Qui es-tu ? souffla-t-il d’une voix rauque. »
Suite à cet épisode-clé, Aryeh fouille dans tous les livres et dans toutes les coupures de journal qu’il possède pour élucider le mystère de l’identité de Numéro 4. Il retrouve notamment, dans son coffre-fort, le journal d’un des ses amis, ancien espion dans la Police du NOM, devenu prêtre par la suite et tué pendant la Rafle des 50 Jours.
*** SPOILER ALERT *** C’est ainsi qu’il découvre que Numéro 4 est le Sujet Racine de la Génération Aboutie : c’est Aleph, le Maillon intergénérationnel, le premier humain à avoir assimilé parfaitement la Puce. C’est également le père donneur à partir duquel ont été clonés tous les Nouveau-Nés. Son ADN fait partie du Patrimoine de l’Humanité, et sa Puce, modèle de toutes les autres puces, est un Secret d’État.
Secoué par cette nouvelle, il décide néanmoins de cacher ses découvertes à Elle et Numéro 4.
Chapitre 14 : Inspection
Pour protéger ses pupilles lors de la trimestrielle visite d’inspection effectuée par la Police de l’ENCLAVE, Aryeh monte un scénario d’après lequel Numéro 4 serait un cousin venu passer ses vacances d’hiver chez lui avec sa copine. Il leur demande de faire semblant de se manifester des marques de tendresse pour tromper la Police et leur attribue les noms de Marie et Jérémie. Jérémie joue parfaitement son rôle, mais superficiellement, sans y mettre du sien, comme un automate chargé d’une corvée, et fait souffrir l’héroïne. Aryeh, apercevant dans cette réaction un signe de fierté et une revanche, comprend que Numéro 4 est en train de retrouver son humanité. De son côté, Elle, profondément blessée, croit que Jérémie joue mal parce qu’il n’éprouve rien pour elle, et donc qu’Aryeh avait raison en lui disant qu’il était incapable d’éprouver un quelconque sentiment.
Chapitre 15 : La Fin du Rêve
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Chapitre 16 : Dead-End
Avec l’arrivée du printemps, Aryeh propose à Marie et à Jérémie de visiter l’Arche, le plus grand Parc Naturel de Botanique et d’Animalerie de l’Enclave, en bordure du Nouveau Monde. La Commune y organise, chaque année, une grande Fête Foraine. Mais la visite s’achève au soir par une catastrophe magistrale : tandis qu’un orage violent s’abat sur la petite ville, plusieurs bêtes féroces s’échappent du zoo, semant la terreur dans le Parc. Dans une scène demeurée mythique, Jérémie, lui-même atteint par la violence de l’atmosphère, s’oppose à un taureau rendu fou par les guirlandes de lumière et tue la Bête pour sauver la vie de Marie, sous le regard d’un Aryeh fasciné.
L’intensité dramatique grimpe encore jusqu’à l’explosion du drame : dans l’enceinte du Cirque, une fille qui ressemble à Marie est tuée par un agent de l’OSE ― une organisation secrète terroriste constituée par les dirigeants de l’Enclave pour lutter contre le Nouveau Monde ― et meurt dans les bras de Jérémie. Le terroriste s’apprête à tuer Jérémie également, mais deux sbires du NOM interviennent alors, l’empêchant de justesse de tuer Jérémie, qu’ils emmènent avec eux. Marie veut se précipiter pour partir avec lui, mais Aryeh la retient d’une poigne de fer :
« Le NOM te croit morte, Marie. Le cauchemar est fini, ne vois-tu pas ? Tu pourras recommencer ta vie… avec moi, te réinsérer dans l’Ancien Monde… Personne ne sera plus jamais à ta poursuite !
― Mais que suis-je sans lui ? Que lui adviendra-t-il ? Il sera renvoyé à la Matrice, n’est-ce pas ?
― Marie, écoute-moi !
― Je t’écoute, je t’entends très bien même. Mais je ne peux pas te donner ce que tu attends de moi. J’ai beaucoup de reconnaissance envers toi, tu sais. Mais c’est lui que je veux… »
Lorsqu’une femme de l’assemblée découvre le corps de la malheureuse tuée par méprise, un grand mouvement de foule se produit alors. Les artistes du cirque se précipitent sur les sbires du NOM et les massacrent. Aryeh emmène Marie évanouie et Jérémie avant l’arrivée de la police :
« Tu es fou, Aryeh ? Les caméras ont tous filmé !
― Tant pis ! Fuyons ! »
Chapitre 17 : Le Sacrifice de Jérémie
Mais Jérémie le retient un instant :
« Vas-y. Emmène-la en un lieu sûr. Et puis dis-lui que j’ai été emmené pas les agents du NOM.
― Mais qu’est-ce que tu racontes ?
― Tu ne comprends donc pas ? C’est moi qu’ils veulent. L’OSE me cherche. Les agents du NOM aussi, car ils ont besoin de moi. Ils me chercheront jusqu’au bout. Et après ce qui s’est passé, il y aura des représailles, des massacres. Je dois me rendre. C’est le seul moyen de vous épargner. Ils croient qu’elle est morte. Prend soin d’elle, Aryeh. Tu l’aimes, je le sais. Et elle finira par t’aimer aussi. Elle appartient à l’Ancien Monde. Moi, je suis leur dieu. Ils me chercheront comme peu chez vous ont cherché Dieu. Et s’ils veulent me tuer comme ils ont tué Dieu, s’ils veulent un autre dieu pour engendrer leurs créatures, s’il me faut être rayé de l’Histoire, peu importe, je le serai. Je n’ai pas peur de mourir. Car maintenant, je sais ce que c’est que de vivre, et d’aimer. Adieu, Aryeh… »
Chapitre 18 : Journal de Minuit
Aryeh s’est réfugié chez son ami Peter. Tandis que sa mère prend soin de Marie, Peter allume la télévision sur le canal des nouvelles. Dès minuit, le journal annonce déjà en gros titres : ‘Les Coupables fichés grâce aux caméras de surveillance.’ En voyant les films pris par les caméras du Cirque, il prend peur et demande des explications à Aryeh :
« Nous risquons tous la mort, Aryeh, et je voudrais savoir pourquoi. Je veux bien prendre des risques. Mais il y a toujours des raisons. Qu’est-ce qui se passe dans ce putain d’Enfer de Nouveau Monde ? Et le blond, qui est-ce, d’abord ? Et la fille ?
― Les choses vont très mal, Peter. Ton père a été arrêté. Nous allons devoir nous séparer. Toi et ta mère, rejoignez le Continent B. Profitez de ce que les frontières sont encore ouvertes. S’ils déclarent l’état de couvre-feu général, vous êtes foutus. »
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Aryeh, resté seul, pense. A travers le vitrage de la véranda, il voit une plaine, un arbre solitaire, puis le village, avec sa butte et son vieux château médiéval, et derrière, tout au fond, le ciel, rempli d’étoiles...
« Tout était calme. Ou était-ce le calme avant la tempête ? Voilà deux heures que Jérémie était parti. Il devait s’être rendu. »
Soudain, on frappe à la porte. Pris de doute et d’angoisse, Aryeh refuse tout d’abord d’ouvrir. La police l’a-t-elle déjà découvert ? Peter et sa mère sont-ils de retour ?
Chapitre 19 : Journal du Matin
Aryeh finit par ouvrir la Porte :
« Une exclamation de surprise mêlée de colère s’échappa alors de ses lèvres : Jérémie était assis sur le pas de la porte, à moitié endormi. Son premier sentiment fut celui du mépris : Comment ? Il s’était donc dégonflé ?
« Ce fut Jérémie qui parla le premier :
― Ils ne m’ont pas reconnu, gémit-il. Ai-je donc tant changé ? Ne suis-je pas le même ? »
Frappé par l’émotion, Aryeh chancelle, et s’appuie dans l’encadrement de la porte. Non, le jeune homme qui se tient à ses pieds, une grande plaie bleuâtre lui traversant la tempe gauche, le visage amaigri, dévoré par les cernes, n’est pas celui qu’il accueillit quelques années auparavant :
« Sa peau, autrefois si transparente, était bronzée par le soleil ; ses cheveux étaient plus longs et dorés par la lumière du jour ; ses yeux, en observant le ciel pendant des heures, avaient pris une magnifique couleur bleue, eux un temps si pâles et si ternes ; son visage portait les traces de veillées sans sommeil, de labeur et d’angoisses… Il avait dû grandir d’au moins vingt centimètres. Oui, avec un douloureux pincement au cœur, Aryeh réalisa que ce n’était plus Numéro 4 qui se tenait devant lui, mais un grand et beau jeune homme : Jérémie... »
Jérémie poursuit :
« Ils vont continuer à chercher quelqu’un qui n’existe plus. Ils m’ont pris pour un fou et jeté dehors. Mais alors ils vont tuer, massacrer, et tout cela pour rien… Ah, c’est ma faute ! C’est ma faute ! Il y aura des représailles, n’est-ce pas ? »
Comme pour répondre à sa question, le journal du matin, jeté par-dessus la haie par le facteur, atterrit sur ses genoux, porteurs d’images d’horreur et de violences perpétuées dans le quartier du Cirque.
« Oui, c’est bien ma faute, reprit-il. Certes, je ne l’ai pas voulu, mais indirectement, c’est bien à cause de moi que ces choses arrivent. Parce que j’ai été assez égoïste pour vouloir connaître ce qu’il y avait derrière le Mur. J’ai amené la malédiction du Nouveau Monde avec moi… »
Aryeh appelle alors Numéro 4 par son nouveau prénom, « Jérémie », pour la première fois :
« Tu es épuisé, Jérémie. Va te reposer. Je viendrai soigner ta blessure.
― Ma blessure ?
― Oui, tu as un hématome sur le visage.
― Ah, oui, je suis tombé. Je me suis heurté à une voiture. Ça m’a fait mal tout à coup, et puis j’ai eu tellement peur en entrant à nouveau par la Porte de Lifting que j’en ai oublié toutes mes émotions. Je pensais si fort à Marie. Et je me disais : Dans quelques instants, soit je ne pourrais plus penser à elle, soit je ne pourrais plus penser du tout.
― Allez, va te reposer.
― Comment va-t-elle ?
― Elle se repose elle aussi. Vous vous verrez bientôt. »
Chapitre 20 : Journal du Midi
« Les trois jeunes gens ne purent rien avaler du repas de midi avant que le journal n’arrive. »
Tandis qu’Aryeh déploie l’éventail de papiers bariolés de rouge et de noir, Jérémie déchiffe l’énorme titre en première page : Les Extrémistes de l’OSE sèment la Panique :
« Le quartier de l’Enclave, réputé pour ses positions intégristes, s’est révoltés, incendiant la Porte de Lifting. On sait, que, depuis quelques temps, le Continent B les fournit en armes. Mais le Siège ne tolèrera pas cette atteinte faite à la Paix du Monde. »
Pressentant les violences à venir, Aryeh éloigne ses protégés et les envoie dans l’Arche.
« Je reviendrai vous chercher, leur dit-il. »
Chapitre 21 : Requiem pour un Massacre
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La fin du roman n'est pas disponible pour des raisons de droits d'auteur et parce qu'elle pourrait choquer certaines sensibilités.
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